Tomorrows.
Tu songes à partir. (Encore). Tu ne sais pas si tu y arriverais. A tout laisser tomber. A les quitter sans dire au revoir - tu hais les au revoir, ils font rien que du mal. A trouver le courage de franchir le pas de la porte, ton baluchon sur l'épaule, et de fermer à double tour. Ne pas te retourner. Te rendre à la gare, clandestine. Gonflée d'orgueil au milieu des idiots qui partent vers là où on les attend, peut-être. Toi, tu irais destination inconnue. Le premier train qui passe, tu sauterais dedans. Tu regarderais tous ces autres faire des signes de main depuis le quai qui s'éloigne, et tu voudrais leur dire que toi, tu ne pars pas avec la certitude de revenir, que toi, tu t'enfuies, que tu n'es pas comme eux, qu'ils ne comprennent rien. Que tu les détestes, ne n'avoir pas su briser tes silences. De n'avoir même pas essayé, pour la simple raison qu'ils ne les ont même pas entendus. (Et comme ils hurlent, pourtant). Bande de cons. Tu les haïrais, eux et ceux-là, encore, qui voyageraient à deux. Des promesses plein leurs sourires et des étoiles plein leurs yeux. Tes étoiles, à toi, ça fait bien longtemps que tu les as broyées entre tes doigts. T'as laissé filé la poussière qui en restait avec le vent, pour effacer les preuves de ta folie. Et depuis, ce sont tes regrets que tu chéris, l'amertume sur le bout de la langue. Tu partirais à leur recherche, peut-être. Sous de nouveaux cieux. Tu irais fouler de tes pieds nus l'herbe glacée des pays où le Soleil ne se couche jamais, là où tes pas ne laisseraient aucune empreinte. Tu partirais à la conquête des terres brûlées, où le silence ne viendrait pas de toi mais de l'horizon qui s'étend à l'infini, jusqu'à toucher le ciel vacillant de splendeur. Tu gravirais les monts escarpés, aux sommets désertés, pour y capturer les nuages vaporeux et effleurer du bout des doigts la lumière que t'aurais voulu garder au creux de ton coeur. Tu épouserais la mer, tu ferais tomber la neige, tu serais l'ombre du soir et la rosée du matin, tu serais ton infini. Si tu partais. Quand tu penses à tout ça, y'a ton coeur qui te bat la poitrine. Ca ressemble trop à des rêves. A toutes ces folies que tu te promets d'oublier chaque jour, parce que ce sont des projets qui n'en sont pas, d'une bien trop grande envergure, et que déjà c'est pas facile de traîner ta carcasse épuisée de maison en maison et de bus en salle de cours, alors partir. Ca te tuerait. Et puis, tu n'es pas si sûre que ça remplirait le vide dans tes paumes. Dans ton coeur. Dans ta tête. Dans ton existence même. Ca pourrait même être pire. Ca pourrait être moche, l'ailleurs, t'as peur d'être déçue. T'en crèverais, de rendre tes rêves réalité, et de t'appercevoir qu'ils n'étaient vraiment que ça. Des rêves. Des rêves de petite fille, qu'il aurait mieux valu oublier. Ou garder précieusement au coin de son coeur, pour continuer d'y croire. Alors, tu songes à partir, mais tu restes. Parce qu'ici c'est un peu vide, mais au moins, y'a toujours la promesse de l'après qui t'attend quelque part, et qui te fait vibrer, même si parfois ça fait mal. Et que c'est peut-être tout ce qui compte, au fond, de savoir se dire que demain, ça ira mieux.